Histoire de la restauration d’une loco Märklin vapeur vive qui date du début du 20ème siècle.
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Patrice est arrivé un jour, fin 2019, dans notre local et il a dit qu’il avait dans sa voiture une locomotive à vapeur vive qu’il tenait de son grand-père. Son arrière grand-père l’avait acheté juste après la première guerre pour que son grand-père joue avec. Patrice se souvient que son grand-père la faisait fonctionner pour lui quand il était enfant; il se rappelle aussi que, au bout de deux ou trois tours du circuit ovale des rails métalliques, l’alcool débordait de partout, la loco était en feu et quelques flammes se répandaient sur le plancher de chêne de l’appartement parisien !
La locomotive qui est sortie de la boîte était manifestement à l’échelle 1 – écartement 45 mm – et d’après le marquage sur la porte de la boîte à fumée – GM – elle avait été fabriqué par Gebrûder Märklin. Mais d’après moi, elle n’avait pas l’air d’avoir été fabriquée dans les années 1920; j’avais l’impression qu’il était plus probable qu’elle date d’avant guerre plutôt qu’après guerre.
Sur le côté de la cabine, il y a une petite plaque estampillée « B.1 » qui aurait pu être un indice, alors mon premier recours a été de regarder sur Internet. J’ai très vite confirmé mes soupçons, l’ayant identifié comme apparaissant dans un catalogue de 1905 et pas du tout dans les années 1920, d’où l’on pourrait peut-être supposer que l’arrière grand-père l’a acheté d’occasion ?
On a essayé de faire une épreuve en chauffe, mais le premier problème était le brûleur à vaporisation. Après une réparation dans le passé, la veilleuse devant le brûleur était maintenant plutôt à 30° de l’horizontale, au lieu de 45° et, par conséquent, l’alcool à brûler se répandait partout si le réservoir était plus qu’à moitié plein. Mais si le réservoir n’était pas correctement rempli, la mèche principale n’était pas suffisamment alimentée et la flamme n’était pas assez chaude pour faire bouillir l’eau de la chaudière.
On a décidé de modifier la position de la mèche pilote. J’ai usiné un tube avec une bride à sa base qui se fixerait verticalement dans un trou percé derrière le brûleur. Patrice a retiré l’ancien tube pilote, a obturé l’extrémité du réservoir et a percé un trou dans le brûleur pour recevoir le nouveau tube pilote. De plus il a percé un trou de très petit diamètre sur le bouchon de remplissage du réservoir a alcool afin d’équilibrer les pressions entre l’air ambiant et l’air (chauffé) contenu dans le réservoir. Cette solution s’est avérée très efficace: le brûleur a maintenant une flamme bleue brillante et assez chaude qui atteint le foyer dans le conduit de fumée à l’intérieur de la chaudière.
L’étape suivante a été d’essayer de faire monter la vapeur, ce que nous avons fait avec succès, mais le problème était que la plupart de la vapeur sortait par les nombreuses fuites de la chaudière : autour de la base de la cheminée où le conduit émerge; sous le collecteur de vapeur qui se cache à l’avant des deux dômes chromés (l’arrière couvrant le montage de la soupape de sécurité); et autour de l’indicateur de niveau d’eau sur l’arrière de la chaudière.
D’abord, il fallait séparer la chaudière du châssis. Ensuite j’ai fabriqué un adaptateur pour connecter mon mini-compresseur d’air au support de la soupape de sécurité afin de pouvoir tester l’étanchéité de la chaudière en la plongeant dans une cuvette d’eau. Le premier test n’a fait que confirmer ce qui avait été évident lorsque nous avions chauffé la machine.
La chaudière est équipée d’un seul tube à fumée central qui part du foyer à l’arrière et va vers la cheminée à l’avant, avec un joint soudé interne à l’extrémité du conduit – un coude à 45°/45° pour tourner le conduit vers le haut – qui (d’après le test d’immersion) semblait heureusement intact, aucune bulle ne sortait de l’intérieur du conduit. Cependant, le joint autour de l’extérieur du tube à fumée fuyait abondamment à l’endroit où il était soudé à la base de la cheminée de la chaudière.
Pour réduire le transfert de chaleur et le risque de dessouder le joint à l’intérieur, j’ai passé un chiffon humide dans le conduit de la chaudière jusqu’au joint pour agir, une fois trempé, comme un frein thermique. Donc, avec la peur au ventre, j’ai fait passer la soudure autour de la base de la cheminée. Il a fallu plusieurs passages pour obtenir un bon joint et heureusement aucun des joints adjacents ne s’est détaché en même temps, ce qui a été un grand soulagement.
J’ai ensuite porté mon attention sur le « dôme » ou collecteur de vapeur – une tasse inversée de la taille d’un dé à coudre – qui avait déjà été percée de deux trous sur lesquels une bonne quantité de soudure avait été appliquée. Sentant qu’une autre modification était nécessaire, j’ai usiné un petit cylindre de laiton qui était bouché à l’extrémité supérieure et qui s’adapterait sur une selle incurvée qui à son tour s’adapterait sur le rayon de la chaudière.
Le nouveau « dôme » et la selle ont été soudés à l’argent ensemble, puis soudés à la chaudière, après avoir utilisé des chiffons humides pour protéger les joints à proximité. Après un ou deux autres tests d’immersion et un peu plus de soudure pour combler une ou deux petites fuites… il n’y avait plus de fuite autour du dôme.
Le problème sur l’arrière de la chaudière était le tube en verre de l’indicateur de niveau d’eau, fissuré et devant être remplacé. Mais les garnitures étaient devenues solides et (je le soupçonnais…) faites d’amiante. Trempés dans du WD40 pendant quelques jours, ils se sont suffisamment ramollis pour que je puisse retirer les deux parties du tube. J’ai ensuite pris soin de retirer la garniture en portant un masque. Après j’ai remplacé le tube en verre et la garniture avec les anneaux en Teflon un autre test d’immersion a été passé de manière satisfaisante.
Le châssis a posé un autre problème. J’ai connecté mon petit compresseur au tuyau d’entrée de la vapeur mais le bruit de l’air s’échappant ici et là était très évident. Un autre test dans l’eau a rapidement confirmé les fuites dans le bloc d’inversion ainsi qu’autour des viroles qui reçoivent les tuyaux d’admission et d’échappement. À partir de ce moment-là, j’ai demandé à mon ami Alan de s’occuper des travaux sur le mécanisme.
Une fois démonté, il était évident qu’il y avait des fuites dans la tuyauterie qui reliait les cylindres et le bloc d’inversion mais aussi que l’air contournait les pistons. Alan a retiré le couvercle d’extrémité du cylindre qui était soudé puis retiré le « coulisseau » de la tige du piston pour sortir le piston du cylindre. Et voilà ! Pas de garniture. Une fois la garniture remplacée, il y avait beaucoup moins d’air qui passait par les pistons mais il y avait maintenant plus de fuites dans le bloc d’inversion !
Alan a rectifié sur sa fraiseuse les tiroirs qui inversent la vapeur d’entrée et la vapeur d’échappement. Mais il est devenu évident que le bloc lui-même fuyait ! Il y avait des trous pilotes dans le bloc et la plupart d’entre eux avaient été obturés, mais deux ne l’étaient pas. Une touche de soudure dans les extrémités des trous a permis d’y remédier. Il a fallu un certain temps pour remonter les cylindres et la distribution. Ressouder la tuyauterie n’était pas évident mais avec beaucoup de persévérance tout a finalement été assemblé de nouveau. Enfin, il ne restait plus qu’à réunir le châssis et la chaudière, à remettre la cabine en place, à allumer le brûleur et à faire un essai.
Lors de notre journée « zéro » de décembre 2021, Patrice a apporté la Märklin B1 pour un essai en chauffe. L’essai a été moyennement réussi. Le brûleur a fonctionné parfaitement et, lorsque la loco a fait le tour du circuit, il n’y a pas eu une seule goutte d’alcool renversée, ni de flammes sur le sol. La chaudière a fonctionné sans aucune fuite et les roues ont tourné normalement malgré une ou deux très petites fuites de vapeur venant du mécanisme. Cependant, la voie centenaire est très irrégulière et le rayon des courbes est assez serré à tel point qu’il faut aider la loco dans les virages. Patrice a dit qu’il allait construire un ovale plus grand en utilisant la voie moderne de LGB qui devrait causer moins de friction de roulement.
Et voila! La loco Märklin ‘B1’ datant de 1905 finalement restaurée, et en état de marche encore une fois.
Mes remerciements vont à Alan pour son expertise mécanique et à Patrice pour sa patience pendant que nous nous occupions de la restauration. J’espère que son grand-père serait heureux de savoir que la machine fonctionne à nouveau.
Martin